Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/351

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— C’est là qu’il y a des jaunets ! grommelait-il. J’irai en chercher…

Au moment où Gertraud rentrait triomphante et toute joyeuse d’avoir vaincu enfin les scrupules de Jean Regnault, elle entendit la voix de son père qui l’appelait dans la pièce voisine.

Elle s’élança vers le fourneau, afin de servir tout de suite le déjeuner de Hans Dorn ; mais le fourneau s’était éteint durant son absence, et la soupe, épaissie, refroidissait au fond du pot de terre.

Gertraud rapprocha les charbons, couverts de leur cendre blanchâtre, et se mit à souffler de tout son cœur.

On entendait le marchand d’habits qui arpentait sa chambre d’un pas rapide et irrégulier. Il gardait le silence durant deux ou trois minutes, puis, il s’écriait, comme s’il se fût éveillé d’un rêve :

— Gertraud ! Gertraud !

La jeune fille soufflait de son mieux. Elle se sentait en retard et faisait une petite moue chagrine ; mais le sourire reprenait bien vite le dessus : elle avait, malgré tout, le cœur léger et sa conscience ne lui reprochait rien.

C’était une bonne matinée. Elle croyait voir encore le sourire ému de Jean Regnault ; elle l’aimait doublement, pour le service qu’elle venait de lui rendre.

Le marchand d’habits n’obtenant point de réponse, reprenait sa promenade. Après quelques instants de silence, il appelait de nouveau ; et Gertraud se dépêchait. Dieu sait comme ! Le fourneau s’emplit bientôt de braise ardente, et le pot de terre, replacé sur ce foyer, regagna en peu de minutes la chaleur perdue.

Hans appelait pour la troisième fois lorsque Gertraud, tenant à la main une tasse pleine, ouvrit la porte de sa chambre.

Elle s’attendait à être réprimandée, et sa joue était encore plus rose que de coutume.

— Bonjour, père, dit-elle, en s’arrêtant devant le marchand d’habits.

Celui-ci était debout au milieu de sa chambre ; sa lèvre effleura le front de Gertraud avec distraction, et quand la jeune fille releva sur lui son regard, elle fut frappée de la pâleur qui lui couvrait le visage.

La physionomie de Hans exprimait d’ordinaire une gaieté ronde et