L’aïeule restait comme insensible.
Jean Regnault ouvrit sa main, qui contenait le don de Gertraud, et fit sauter en l’air la bourse de soie.
L’inquiétude de Victoire augmenta visiblement ; mais l’aïeule tressaillit au son de l’or, et un peu de vie se ralluma dans sa prunelle.
— Oh !… oh ! fit tout bas Geignolet dont l’œil s’écarquilla, plein d’un désir avide.
Il se coucha le long de son banc et fit semblant de dormir ; mais son regard cauteleux ne quitta plus la bourse dont les mailles laissaient briller le jaune reflet de l’or.
Les deux femmes ouvrirent la bouche à la fois.
— D’où tenez-vous cet argent ? demanda Victoire d’un ton sévère.
— Combien y a-t-il ? disait la pauvre vieille femme.
Ce fut à elle que Jean répondit.
Il fit glisser les coulants de la bourse et versa dans sa main les six pièces d’or.
— Des jaunets ! grommela l’idiot sur son banc ; — je veux de quoi remplir ma bouteille !…
— Cent vingt francs ! murmura la vieille femme ; il y avait bien longtemps que je n’avais vu la couleur de l’or.
Victoire mit la main sur le bras de son fils.
— Jean, dit-elle, au nom de Dieu ! où avez-vous pris cela ?
— Et de l’autre côté, demanda l’aïeule, — combien y a-t-il ?…
Jean courba la tête ; il devinait que la somme apportée était insuffisante.
— Il n’y a rien, répliqua-t-il ; c’est tout ce que j’ai !
— Il en faudrait trois fois autant, dit l’aïeule qui reprit son immobilité morne, — pour m’empêcher d’aller en prison…
Pendant cela, Victoire regardait Jean, et ses traits pâlis exprimaient toute l’angoisse de sa sollicitude maternelle.
Ils étaient si pauvres, et depuis si longtemps ! D’où venait cette somme inattendue ! Le joueur d’orgue était sorti les mains vides ; en quelques minutes pouvait-il avoir gagné tant d’argent ?
— Jean, mon fils, reprit-elle, je vous en prie… je vous en supplie !… dites-moi d’où vous vient cette bourse ?