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Hélène et Margarethe s’aimaient si tendrement !

Trouver Regnault et le contraindre par tous les moyens à une restitution, tel était son but. Peut-être n’avait-il pas encore mesuré toute la perversité froide de cet homme : du moins gardait-il un vague espoir de le vaincre par le pardon.

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Le madgyar, Mosès et Regnault arrivèrent les premiers à Obernburg. Ils y changèrent de chevaux. Le jour commençait à baisser lorsqu’ils quittèrent la ville.

D’Obernburg à Esselbach, il n’y a point de route de poste. Le château de Bluthaupt s’élève à une lieue de la traverse mal entretenue qui relie les deux cités. Nos voyageurs, une fois engagés dans cette traverse, reprirent leur conversation interrompue.

Regnault venait de leur faire, à peu de chose près, le récit qui précède ; il leur avait conté à sa façon sa dernière entrevue avec M. d’Audemer.

Le juif faisait de grands hélas ! et soupirait tant qu’il pouvait. Yanos Georgyi, tout en maîtrisant davantage son inquiétude, fronçait ses noirs sourcils sous l’empire d’une méditation inaccoutumée, et devenait de plus en plus soucieux. — M. le chevalier de Regnault seul avait repris son visage souriant et mielleux. Il sifflait tout doucement un petit air à la mode, et ne paraissait pas éloigné de jouir du méchant état où il avait mis ses compagnons.

— Je pense que vous ne mentez point ?… dit enfin le madgyar, qui regarda Regnault en face.

Celui-ci s’inclina silencieusement.

— Mais qui donc avait pu instruire le vicomte ?… reprit Yanos.

— Je n’ai jamais vu les bâtards, répliqua Regnault ; — mais je gagerais qu’ils étaient ce jour-là chez M. d’Audemer.

— Eux-mêmes, comment auraient-ils pu savoir ?…

— On dit qu’ils savent bien des choses !… Ce qui est certain, c’est que le vicomte prononça tous nos noms, les uns après les autres.

— Seigneur ! Seigneur ! murmura le juif.

Le madgyar frappa violemment du poing le pommeau de sa selle.