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pas besoin de camarade pour se mettre très-bien !… Deux francs que c’est un Anglais !

Il tourna sur ses talons pour aller chercher le bordeaux demandé.

— Garçon ! dit le prétendu Anglais habillé en Arménien.

— Monsieur, voilà !

— Êtes-vous adroit ?…

— Il en tient ! pensa le garçon.

Puis il ajouta tout haut et d’un air aimable :

— Pourquoi Monsieur me demande-t-il cela ?…

— Parce que j’ai une fantaisie à passer, et une demi-douzaine de louis à jeter par la fenêtre.

— C’est un Russe, pensa le garçon.

— Comment vous appelle-t-on, mon ami ?

— Pierre, Monsieur, mon nom est sur la carte.

L’Arménien fouilla dans la poche de sa longue robe et atteignit une bourse de soie.

Pierre pensa que c’était peut-être un Américain.

— Je suis aux ordres de Monsieur, dit-il à tout hasard.

L’étranger ouvrit sa bourse et mit six pièces d’or sur la table.

— Vous avez ici près deux joyeux compagnons, mon ami Pierre, reprit-il.

— Deux messieurs, Monsieur, avec leurs dames…

— C’est cela même… Ils sont un peu de ma connaissance… et je voudrais…

L’Arménien hésita.

Pierre le regarda en dessous.

— Bête que je suis ! grommela-t-il ; il est Français et marié !

— Vous m’entendez bien ?… poursuivit l’homme aux quatre bouteilles ; c’est une plaisanterie… une gageure…

— Oui, oui, dit Pierre, nous connaissons cela.

Il sourit avec tout plein de malice.

— Vous comprenez ? dit l’Arménien.

— Parfaitement.

— De quoi s’agit-il ?