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Il poussa son cheval et ajouta, en achevant de se couvrir la figure avec le collet relevé de son manteau :

— J’aurais dû m’attendre à cela !… Tôt ou tard, il devait venir, et puisqu’il est venu, c’est désormais un duel à mort… Messieurs, reprit-il d’un ton délibéré, — cet homme a entre ses mains notre fortune à tous, et peut-être notre vie… Il se rend au château de Bluthaupt, — j’en suis sûr ! — il faut qu’il meure en chemin.

Le beau visage du madgyar resta froid ; celui du juif devint blême sous les bords affaissés de son chapeau.

— Seigneur ! Seigneur ! murmura-t-il ; — c’est bien vrai qu’il se rend au schloss de Bluthaupt !…

Ils venaient de franchir la ligne de jardins qui remplace les anciennes fortifications. — À leur droite, sur la route de Heidelberg, la voiture publique passa en ce moment au galop. Sur l’impériale de cette voiture, était assis le jeune homme au manteau écarlate que nous avons déjà rencontré au bureau des postes.

Mais le bâtard de Bluthaupt, comme l’appelait Fritz, semblait s’être multiplié. Auprès de lui s’asseyaient deux autres jeunes gens, portant le même costume étrange.

Durant quelques minutes, on put distinguer la couleur écarlate de leurs manteaux, puis tout s’effaça dans le lointain.

À gauche, le vicomte d’Audemer chevauchait tout seul sur la route de poste d’Obernburg.

Nos trois compagnons prirent la traverse étroite qui conduit directement à la même ville, et mirent leurs chevaux au galop dans le but évident de devancer le voyageur solitaire.