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— Il lui ressemble, reprit le marchand d’habits. Ce sont ses yeux et c’est son doux sourire…

— Je le sais, dit Rodach ; — je l’ai vu…

— Et qu’en pensez-vous ?

— C’est lui !

Hans mit ses deux mains sur son cœur.

— Alors, murmura-t-il, c’est Dieu qui vous a envoyé !…

— Vous a-t-il dit son nom ? reprit Rodach.

Il se nomme Franz.

Le baron ne put retenir un mouvement de joie.

— Vous voyez bien ! s’écria-t-il, c’est un nom allemand !…

Hans secoua la tête.

— Si nous n’avons que cet indice, mon gracieux seigneur, répliqua-t-il avec tristesse, — nous pouvons nous tromper, car le jeune homme se dit Français et ne sait pas notre langue.

L’expression de joie qui était sur le visage du baron s’évanouit.

— Je crois que c’est lui, dit-il pourtant : j’en suis sur… mon cœur me le crie !… La main de Dieu s’est appesantie sur nous assez longtemps, et le sort nous doit une revanche. Qu’est-il venu faire chez vous?

— Vendre ses habits.

— Il est donc pauvre ?

— Il n’a plus rien… J’ai causé avec lui durant dix minutes, et je sais toute son histoire… C’est un loyal cœur, étourdi comme un enfant et brave comme un soldat… Il a été quelque temps commis dans une grande maison de banque dont les chefs l’ont tout à coup chassé sans motif… il a vécu durant un mois ou deux des économies qu’il avait… Les habits qu’il m’a vendus sont sa dernière ressource, et il compte en dépenser le prix cette nuit.

— Cela fait-il beaucoup d’argent ? demanda le baron.

— Deux cent cinquante francs.

— À quoi veut-il dépenser tout cela ?

— Il a bien des choses à faire, répondit Hans. D’abord quelques petites dettes à payer… deux louis à peu près… secondement, un costume de bal masqué à louer et un déjeuner à payer au café Anglais.