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— Ayez pitié de moi, Denise, reprit Franz, qui n’éprouva point de résistance à l’attirer contre son cœur ; dites-moi que vous m’aimez, et je tuerai cet homme qui veut ma vie.

Denise, la pauvre enfant, n’avait plus ni volonté, ni force. Elle penchait sa jolie tête pâlie sur l’épaule de Franz, et répétait machinalement :

— Mon Dieu ! mon Dieu !

Quand elle ouvrait les yeux, elle rencontrait la prunelle ardente du jeune homme qui plongeait jusqu’au fond de son âme.

Et il murmurait à son oreille :

— Je vous en prie ! je vous en prie ! dites-moi que vous m’aimez !…

Denise ne combattait plus. Elle laissa errer sur sa lèvre un pur et beau sourire.

— Franz, murmura-t-elle, je prierai Dieu pour vous toute la nuit…

— Et vous m’aimez !

— Oh ! oui, je vous aime… et si vous mourez, je mourrai.

Des pas se firent entendre des deux, côtés sur le trottoir. Les lèvres des deux enfants se joignirent en un rapide baiser…

Puis Franz s’enfuit, et Denise s’appuya, défaillante, à la lourde porte de l’hôtel.

Elle fut plusieurs minutes avant de retrouver assez de calme pour soulever le marteau. Ce qui venait de se passer était, pour elle, comme un rêve plein d’épouvante et de trouble.

Quand elle entra dans la chambre de sa mère, tout son corps était froid, et sa figure gardait l’immobilité du marbre.

Madame la vicomtesse d’Audemer était assise à l’un des coins du foyer ; à l’autre coin, debout et coupé en deux par un gracieux salut, se tenait M. le chevalier, qui avait laissé sans doute son paletot blanc dans l’antichambre.

— Vous êtes en retard, mon enfant, dit la vicomtesse, et M. de Reinhold vous attendait pour vous offrir ses hommages.

Le chevalier s’inclina derechef et sourit davantage.

Denise salua sans savoir ce qu’elle faisait.

— Bonne nouvelle ! reprit la vicomtesse en mettant un baiser sur le