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bien su garder mon secret !… et, si seulement j’avais eu l’espoir qu’on me donnerait un peu de pitié pour mon amour, à moi, si profond et si ardent, je ne parlerais plus de mourir, parce que j’aurais l’espoir de vivre ! On doit être fort, bien fort, mademoiselle, et capable de vaincre un bien redoutable adversaire, quand on tire l’épée avec du bonheur plein l’âme, et qu’on défend sa vie, non plus pour soi uniquement, mais pour la femme qu’on aime…

Denise baissa la tête.

— Vous allez vous battre ?… murmura-t-elle.

Franz fit un signe affirmatif.

— Contre un spadassin, peut-être ! ajouta Denise.

Franz ne répondit point.

— Et savez-vous tirer l’épée ?

— Non, répondit Franz.

Le charmant visage de Denise semblait être devenu d’albâtre.

— Franz, balbutia-t-elle, au nom de Dieu, ne vous battez pas !

Franz mit la main sur son cœur, où coulait un flot de délices.

— Il le faut bien, dit-il en contenant l’élan de sa joie.

— Écoutez, reprit la jeune fille, émue à son tour jusqu’à la détresse, je ne veux pas que vous mouriez, Franz… Que faut-il faire pour vous empêcher de vous battre ?

Les traits de Franz rayonnaient et ne disaient pas tout son bonheur.

Il prit la main de Denise et la serra contre ses lèvres.

— Rien ne peut m’empêcher de me battre, dit-il d’une voix qui vibrait malgré lui, et où son triomphe éclatait ; mais se battre ce n’est point mourir… et je sens bien, oh ! je vous dis la vérité, Denise ! je sens bien que si j’avais votre amour, ma main deviendrait forte et saurait défendre ma poitrine !

Le sang remonta aux joues de la jeune fille, qui baissa les yeux en frémissant.

Elle se sentait comme ivre, et ses jambes fléchissaient sous le poids léger de son corps.

— Mon Dieu ! mon Dieu ! pensait-elle affolée, je pourrais donc le sauver !