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— C’est l’heure où elle revient, pensa-t-il. Le temps était beau ; elle sera sortie sans doute… il y a dix à parier contre un que je n’attendrai pas en vain.

Il revint à l’angle de la rue Charlot et continua sa promenade avec un nouveau courage. Au bout de deux ou trois minutes, il s’arrêta tout court et demeura comme en arrêt, l’œil fixé dans la direction de la rue Saint-Louis…

Il venait de distinguer deux femmes, l’une en bonnet, l’autre en chapeau, qui s’avançaient de son côté sur le trottoir.

Elles étaient bien loin encore ; mais le cœur de Franz battait si vite ! Il ne pouvait pas se tromper.

Les deux femmes, cependant, passaient maintenant devant les magasins fermés et marchaient dans l’ombre. Franz ne les voyait plus ; mais il allait les revoir ; il guettait. Lorsqu’elles entrèrent dans la patte d’oie lumineuse produite par l’éclairage de la première boutique ouverte, Franz cessa de respirer.

Puis les deux cent cinquante francs du marchand d’habits résonnèrent dans ses poches, parce qu’il venait de sauter de joie.

C’était bien elle ! il l’avait vue et reconnue : encore quelques secondes, elle allait passer là tout près de lui !

Mais, à ce moment où son cœur bondissait d’allégresse, une réflexion vint le frapper comme un coup de poignard.

Denise n’était pas seule ; ce lourd portail où il s’adossait maintenant allait s’ouvrir, puis se refermer sur elle.

Il n’avait point pensé à cela, l’enfant étourdi. L’attendre au passage et la voir, n’était-ce pas assez pour mettre en feu sa bouillante cervelle ! Il n’avait songé qu’à courir.

À présent, il voulait lui parler ; et sa volonté, pour être soudaine autant que le caprice d’une femme, n’en était pas moins robuste comme la résolution d’un homme.

Il se recula par un mouvement rapide, et sans savoir peut être encore ce qu’il allait oser, il se cacha derrière l’angle de la rue. Les deux femmes arrivaient devant la porte. C’était une jeune fille avec sa vieille servante.