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Le Temple est composé de quatre compartiments principaux, décorés de noms pittoresques et percés d’innombrables couloirs qui donnent accès aux visiteurs. L’ensemble de ces compartiments renferme environ dix-neuf cents échoppes ou places, louées à raison d’un franc soixante-cinq centimes par semaine.

Parmi ces places, il y en a de bonnes et de mauvaises. Celles qui regardent l’enclos et la rue du Temple sont des nids de fortune ; celles qui longent la rue du Petit-Thouars ont leur mérite ; on ne dédaigne pas tout à fait celles que borde la rue Percée, et la place de la Rotonde elle-même a bien ses avantages. Mais l’intérieur des compartiments offre moins de chances. Le passant hésite à s’engager dans ces couloirs étroits, dont les deux côtés sont gardés par des femmes jeunes ou vieilles, laides ou jolies, mais toujours fortes en langue, et possédant, pour se venger des dédains du flâneur, le vocabulaire d’invectives le mieux fourni qui soit au monde.

Il y a eu, à cet égard, certaines réformes estimables. La police du Temple est mieux faite, depuis quelques années ; et les gardiens donnent parfois aux sirènes qui ont trop de voix, de sévères leçons de politesse. Mais il ne faut point se fier à ces garanties toutes neuves. Les mœurs sont vivaces, et cette courtoisie commandée est un frein sujet à se rompre.

Les deux carrés qui sont à droite du passage central forment la série rouge, et ceux de gauche la série noire ; chaque compartiment possède, en outre, son appellation spéciale.

Le premier, le plus beau, celui que fréquentent les dandys de sixième ordre, les lorettes et les baronnes économes, a reçu, par analogie, le nom de Palais-Royal. Les marchandes de ce carré sont presque civilisées. Elles désignent elles-mêmes leurs marchandises sous le nom de frivolité. Ce sont des modes, des gants nettoyés, des dentelles de tout prix, des bijoux, des franges et des oripeaux de théâtre.

Madame Batailleur, la marchande chez qui nous avons vu entrer successivement la jeune fille de remise et la belle madame de Laurens, florissait dans ce compartiment d’élite.

Le carré du drapeau ou pavillon de Flore, occupe un rang déjà secondaire. C’est la bourgeoisie à côté de la noblesse : du linge, des matelas, des rideaux, des robes d’indienne et des layettes.