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tourés d’une considération approchant du respect. On citait l’esprit fin, la vertu gracieuse et aisée de madame de Lanrens, la douceur aimable et la charité de la belle Esther, veuve du général comte Lampion, en son vivant pair de France.

Bien que Lia fût encore une enfant, des ducs et des marquis, des duc de pur aloi et des marquis non de l’empire, l’avaient déjà demandée en mariage.

Quant au jeune M. de Geldberg, il ne lui manquait qu’un petit bout de titre pour être l’astre le plus éblouissant de la capitale. Il pouvait littéralement choisir entre les riches héritières des trois faubourgs. Il était l’orgueil de son vieux père et la gloire de l’escompte.

Ceci posé, il sera loisible au lecteur d’interpréter à sa guise la conduite de madame de Laurens. Nous devons ajouter seulement que la moindre supposition malveillante, manifestée tout haut dans certains salons, touchant cette charmante et honorable personne, eût mis au vent dix flamberges financières.

Les jeunes commis de la maison de Geldberg étaient, en effet, des messieurs d’un certain ton, sachant monter à cheval, et fréquentant les tirs, à l’heure où les écritures terminées donnent aux teneurs de livres le droit de vivre un peu en gentilshommes.

Tandis que madame de Laurens regagnait son coupé, qui stationnait toujours au coin de la rue Phélippeaux, le baron de Rodach demeurait immobile à la même place. Il réfléchissait peut-être aux causes qui avaient déterminé la méprise de la jolie dame. En tous cas, sa méditation ne fut pas de longue durée. Il se souvint tout à coup des événements qui avaient précédé la rencontre, et tourna ses yeux vivement vers l’endroit où le bel adolescent qu’il poursuivait s’était arrêté naguère.

Mais notre jeune homme avait continué sa route, et Rodach ne vit plus que des têtes inconnues à l’entrée du passage.

Deux minutes à peine s’était écoulées depuis que le jeune homme avait quitté son fiacre. Il ne pouvait être bien loin ; Rodach reprit sa course et entra dans le Temple à son tour.

Sa haute taille lui permettait de voir par-dessus les têtes de la foule, qui était composée presque entièrement de femmes. Néanmoins, il