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Nous avons appris les noms de la jolie dame voilée et de notre voyageur étranger. La première était madame de Laurens ; l’autre s’appelait M. le baron de Rodach. Sur ce dernier, nous n’en savons pas davantage.

La jeune fille du remise reviendra bientôt, sans doute croiser notre chemin.

Quant à madame de Laurens, c’était la fleur de la fleur de l’aristocratie financière. Elle avait pour mari l’agent de change Léon de Laurens, homme puissamment riche, et dont la probité connue défiait ces proverbiales rumeurs qui courent sur les agents de change. Elle avait pour père le vieux M. de Geldberg, de la maison Geldberg, Reinhold et compagnie.

Dans toute la banque parisienne, on n’eût point trouvé de raison sociale plus justement honorée. C’était une de ces maisons puritaines qui gâtent le métier, tant elles sont honnêtes, et qui ne gagnent que 25 pour 100 sur les retours.

De pareils dévouements font hausser les épaules aux banquiers qui gardent les bonnes traditions de la confrérie.

Le vieux Geldberg était un digne homme, un vieux patriarche, timide et modeste, bien qu’il eût des millions de rentes, et trouvant son plus cher bonheur dans l’amour de ses enfants. Sous ce rapport, la Providence l’avait admirablement partagé. Abel de Geldberg, son fils, était un cavalier fort brillant, expert au turf et rompu aux affaires.

Sara, sa fille aînée, avait épousé M. de Laurens. Esther, la seconde, était veuve d’un pair de France à vingt-cinq ans. Tout ce qu’on pouvait dire de Lia, la dernière, c’est qu’elle était douce et jolie comme un ange.

M. le chevalier de Reinhold, principal associé de la maison, avait une réputation très-enviable de philanthropie éclairée et de science industrielle. C’était lui qui dirigeait les affaires avec Abel de Geldberg ; car, depuis quelques années déjà, le vieux Moïse se reposait des fatigues de sa laborieuse carrière.

Mais la maison semblait marcher toujours dans le sillon qu’il avait tracé. Sur la place de Paris, Geldberg restait synonyme d’honneur commercial et de loyauté.

Dans le monde opulent qu’ils voyaient, Moïse et sa famille étaient en-