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Blasius bondit sur son fauteuil et voulut s’élancer au dehors ; mais la main de fer du bâtard le retint cloué à sa place.

— Ne criez pas ! poursuivit Otto ; vous vous en repentiriez et le mal serait rendu irréparable !

— Mais vous me trompez ! s’écria le malheureux geôlier, personne ne s’est évadé… Mes murailles sont hautes… j’ai fait mettre des barreaux tout neufs aux cellules de vos frères… mes rondes sont bien faites… mes sentinelles veillent à leurs postes. Laissez-moi m’assurer par moi-même !…

— Tout à l’heure, interrompit Otto, qui le retenait toujours ; — auparavant il faut nous entendre. Je vous dis qu’Albert et Goëtz galopent en ce moment sur la route de France… vous pourrez vérifier le fait dans un instant… regardons-le comme étant prouvé d’avance… La fuite de ces deux prisonniers suffit à vous faire perdre votre place ; et vous devenez vieux, maître Blasius !

L’ex-majordome poussa un gros soupir.

Il payait cher les délices de sa dernière partie d’impériale si victorieusement enlevée !

— Je vous propose, reprit Otto, une somme qui vous mettra à l’abri du besoin, en cas de destitution… et je vous propose, en outre, un moyen de n’être pas destitué…

Le vieillard dressa vivement l’oreille.

— Vous êtes un homme prudent, dit Otto ; vous en savez assez désormais pour ne point être tenté de mettre inconsidérément les gens de la prison dans votre confidence… Allez visiter les cellules de mes frères, maître Blasius, afin que nous puissions traiter en parfaite connaissance de cause.

Otto lâcha le bras du geôlier, qui s’élança dans le corridor avec la prestesse d’un jeune homme. On entendit de grosses clefs tourner dans les serrures des cellules voisines, et d’énormes soupirs traversèrent les cloisons.

Bientôt après, le désolé Blasius reparut sur le seuil de la chambre d’Otto.

Celui-ci montra du geste le fauteuil vide, et le geôlier s’assit en gémissant :