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LES CISEAUX DE L’’ACCUSÉE 209

Comptez sur vos doigts, mon neveu, je n’ai ni volé, ni dessiné de fausses signatures, ni frappé des pièces en étain, — encore moins assassiné. Fi donc ! au dix-neuvième siècle ! Bon pour le moyen âge.

La loi, voilà ma passion. J’en dine et j’en soupe, tant je l’aime !

La loi ne défend pas d’engraisser un dindon, monsieur. Et une affaire ? Pas davantage. 11 faudrait aussi qu’elle fût toquée, la loi, pour empêcher un citoyen français de se laisser conter des anecdotes attachantes. On m’en conte, je les collectionne, est-ce un attentat ? Mais alors que devient la liberté, soit des croyances, soit même des entournures ? Je me fais Patagon ! Guerre aux tyrans ! Pour un esclave est-il quelque danger ? à bas le gouvernement !

aux armes ! on assassine nos bénéfices !... Ah ! 

bigre, monsieur, voilà le monde qui sort du spectacle.

M. Louaisot de Méricourt s’était sincèrement animé en parlant. Son nez gesticulait et sa petite bouche s’ouvrait, ronde comme le bec d’un oisillon qu’on pâte. L’idée de l’injustice atroce qu’on pourrait commettre en ruinant son industrie, l’avait transporté d’une picuse fureur.

Maïs il s’apaisa comme il s’était monté à la minute.

Sa paillasse était consommée, et le mouvement de sortie commençait sous le péristyle de l’Opéra.

— Une soupe au lait, monsieur, dit-il en tapant la garniture de son porte-monnaie contre la table pour appelcr le garçon ; je ne connais pas d’autre image pour symboliser ma nature. Je m’enlève, je retombe, pas plus de fiel qu’un enfant. J’espère que vous me pardonnez ?

— De tout mon cœur !

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