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LE BOSSU.

Tous les autres frémissaient.

L’armée des affidés de Gonzague, entièrement composée de gens trop jeunes pour pouvoir même être soupçonnés, s’agitait sous le poids de je ne sais quelle oppression pénible.

Sentaient-ils déjà que chaque jour écoulé rivait de plus près la chaîne mystérieuse qui les attachait au maître ? Devinaient-ils que l’épée de Damoclès allait pendre, soutenue par un fil, sur la tête de Gonzague lui-même ?

On ne sait. Ces instincts ne se raisonnent point. Ils avaient peur.

— Quand l’heure est venue, reprit le bossu, et toujours elle vient, que ce soit tôt ou tard… un homme… un messager du tombeau… un fantôme sort de terre, parce que Dieu le veut ; cet homme accomplit, malgré lui parfois, la mission fatale… S’il est fort, il frappe… s’il est faible, si son bras est comme le mien et ne peut pas porter le poids du glaive, il se glisse, il rampe, il va… jusqu’à ce qu’il arrive à mettre son humble bouche au niveau de l’oreille des puissants, et tout bas ou tout haut, à l’heure dite, le vengeur étonné entend tomber des nuages le nom révélé du meurtrier.

Il y eut un grand et solennel silence.

— Quel nom ? demanda M. de Rohan-Chabot.