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LE BOSSU

tumé à donner et à rendre tous les matins le même baiser.

— Mère, murmura-t-elle, j’ai rêvé de toi… et tu as pleuré toute cette nuit dans mon rêve… — Pourquoi Flor est-elle ici ? s’interrompit-elle ; Flor n’a point de mère… mais que de choses se passent dans une nuit !

C’était encore la lutte. Son esprit faisait effort pour déchirer le voile.

Mais elle céda, vaincue, à la douloureuse fatigue qui l’accablait.

— Que je te voie, mère, dit-elle ; viens près de moi… prends-moi sur tes genoux.

La princesse, riant et pleurant, vint s’asseoir sur le lit de jour et prit Aurore dans ses bras. Ce qu’elle éprouvait, comment le dire ? Y a-t-il en aucune langue des paroles pour blâmer ou flétrir ce crime divin : l’égoïsme du cœur maternel ?

La princesse avait son trésor tout entier ; sa fille était sur ses genoux, faible de corps et d’esprit : une enfant, une pauvre enfant. — La princesse voyait bien Flor qui ne pouvait retenir ses larmes.

Mais la princesse était heureuse, et, folle aussi, elle berçait Aurore dans ses bras en murmurant malgré elle je ne sais quel chant doux et naïf.