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LE BOSSU.

trêve de compliments… hé ! hé ! ceci, voyez-vous, est une affaire de l’autre monde… un mort qui soulève la pierre de sa tombe… après vingt années, monsieur le duc…

Il s’interrompit pour grommeler en ricanant :

— Est-ce qu’on se souvient, ici, à la cour, des gens morts depuis vingt années ?…

— Mais que veut-il dire ? s’écria Chaverny.

— Je ne vous parle pas, M. le marquis, répliqua le petit homme ; ce fut l’année de votre naissance… vous êtes trop jeune… je parle à ceux qui ont des cheveux gris.

Et changeant tout à coup de ton, il ajouta :

— C’était un galant seigneur… c’était un noble prince… jeune, brave, opulent, heureux, bien aimé… visage d’archange, taille de héros… il avait tout… tout ce que Dieu donne à ses favoris en ce monde !…

— Où les plus belles choses, interrompit Chaverny, ont le pire destin.

Le petit homme lui toucha du doigt l’épaule et dit doucement :

— Souvenez-vous, M. le marquis, que les proverbes mentent quelquefois, et qu’il y a des fêtes sans lendemain…

Chaverny devint pâle. Le bossu l’écarta de la main et vint tout auprès de la table.