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LE BOSSU.

— J’étais ici, toute seule, répondit lentement Aurore ; je réfléchissais à tout ce que je viens de dire… et à d’autres choses encore… Les preuves abondaient… C’est parce que je suis mademoiselle de Nevers qu’on m’a enlevée hier ; c’est parce que je suis mademoiselle de Nevers que la princesse de Gonzague poursuit de sa haine Henri, mon ami… Et sais-tu, Flor, c’est cette dernière pensée qui m’a pris tout mon courage… L’idée de me trouver entre ma mère et lui, tous deux ennemis, m’a traversé le cœur comme un coup de poignard… L’heure viendrait où il faudrait choisir… que sais-je ? Depuis que je connais le nom de mon père, j’ai l’âme de mon père. Le devoir m’apparaît pour la première fois, et sa voix, la voix du devoir, est déjà en moi aussi impérieuse que la voix du bonheur lui-même… Je ne sais rien ici-bas qui fût capable, hier, de me séparer d’Henri… aujourd’hui…

— Aujourd’hui ?… répéta dona Cruz, voyant qu’elle s’arrêtait.

Aurore détourna la tête pour essuyer une larme.

Dona Cruz la regardait tout émue.

Dona Cruz abandonnait ces brillantes illusions que Gonzague avait fait naître en elle, sans effort et sans regret. Elle était comme l’enfant qui sou-