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LE BOSSU.

et l’expression de son charmant visage fut une fierté sévère.

— Faut-il me repentir de t’avoir parlé comme je l’ai fait ? murmura-t-elle.

— Ne me gronde pas, fit la gitanita qui lui jeta les deux bras autour du cou ; je souriais en songeant que je n’aurais point deviné cet obstacle-là, moi qui ne suis pas princesse.

— Plût à Dieu qu’il en fut ainsi de moi ! s’écria Aurore les larmes aux yeux ; la grandeur a ses joies et ses souffrances… Moi qui vais mourir à vingt ans, de la grandeur je n’aurai connu que les larmes !

Elle ferma d’un geste caressant la bouche de sa compagne qui allait protester encore, et reprit :

— Je suis calme. J’ai foi en la bonté de Dieu qui ne nous éprouve pas au-delà des limites de ce monde… Si je parle de mourir, ne crains pas que je puisse hâter ma dernière heure… Le suicide est un crime : un crime qu’on ne peut expier et qui ferme la porte du ciel… Si je n’allais pas au ciel, où l’attendrais-je ?… Non… d’autres se chargeront de ma délivrance ; ceci, je ne le devine point : je le sais.

Dona Cruz était toute pâle.

— Que sais-tu ? interrogea-t-elle d’une voix altérée.