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LE BOSSU.

suivit depuis mon enfance, ce Gonzague qui aujourd’hui va me porter le dernier coup, n’est-il pas le mari de la veuve de Nevers ?…

— Puisque c’est lui, interrompit la gitanita, qui voulait me rendre à ma mère…

— Ma pauvre Flor, nous n’expliquerons pas tout, je le sais bien. Nous sommes des enfants, et Dieu nous a gardé notre bon cœur : comment sonder l’abîme des perversités, et à quoi bon ? Ce que Gonzague voulait faire de toi, je l’ignore ; mais tu étais un instrument dans ses mains… Depuis hier, j’ai vu cela… Et depuis que je te parle, tu le vois toi-même.

— C’est vrai, murmura dona Cruz qui avait les paupières demi-closes et les sourcils froncés.

— Hier seulement, reprit Aurore, Henri m’a avoué qu’il m’aimait…

— Hier seulement ?… interrompit la gitanita au comble de la surprise.

— Pourquoi cela ?… Il y avait donc un obstacle entre nous ?… Et quel pouvait être cet obstacle, sinon l’honneur ombrageux et scrupuleux de l’homme le plus loyal qui soit au monde : c’était la grandeur de ma naissance ; c’était l’opulence de mon héritage qui l’éloignaient de moi !

Dona Cruz sourit. Aurore la regarda en face,