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LE BOSSU.

Gonzague emplit de nouveau son verre. — Chaverny fit de même.

— Étudiez l’Italie ! répéta pour la troisième fois le prince ; — Là seulement, on sait vivre… Il y a cent ans qu’on ne s’y sert plus du stylet idiot… à quoi bon la violence ?… En Italie, par exemple, vous désirez écarter une jeune fille qui fait obstacle sur votre route… c’est notre cas… vous faites choix d’un galant homme qui consent à l’épouser et à l’emmener je ne sais où… très loin… c’est encore notre cas… Accepte-t-elle ? tout est dit… Refuse-t-elle ?… c’est son droit, en Italie comme ici… alors, vous vous inclinez jusqu’à terre, demandant pardon de la liberté grande… vous la reconduisez avec respect… Tout en la reconduisant, par galanterie pure, vous lui faites accepter un bouquet…

Ce disant, M. de Gonzague prit un bouquet de fleurs naturelles au surtout qui ornait la table.

— Peut-on refuser un bouquet ? poursuivit-il en arrangeant les fleurs ; — elle s’éloigne… libre, assurément, tout comme mon cousin Annibal, d’aller où bon lui semblera… chez son amant, chez son amie, chez elle… mais libre aussi d’y rester…

Il tendit le bouquet… — Tous les convives reculèrent en frémissant.