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LE BOSSU.

— Vous auriez tort !

Tout le monde, du reste, partageait l’opinion de Navailles.

Gonzague hésitait. Le bossu poursuivit, comme s’il eût voulu jouer avec son irrésolution :

— Si l’on ne m’eût point interrompu, j’allais répondre d’avance à vos soupçons… Quand je m’arrêtai au seuil de votre maison, monseigneur, j’hésitais, moi aussi, je m’interrogeais, je doutais… C’était là le paradis… le paradis que je voulais… non point celui de l’Église, mais celui de Mahomet… toutes les délices réunies : les belles femmes et le bon vin : les nymphes auréolées de fleurs, le nectar couronné de mousse… Étais-je prêt à tout faire… tout… pour mériter l’entrée de cet éden voluptueux ?… pour abriter mon néant sous le pan de votre manteau de prince ? Avant d’entrer, je me suis demandé cela. Et je suis entré, monseigneur.

— Parce que tu te sentais prêt à tout ? interrogea Gonzague.

— À tout ! répondit le bossu résolûment.

— Vive Dieu ! quel furieux appétit de plaisirs et de noblesse !

— Voici quarante ans que je rêve !… mes désirs couvent sous des cheveux gris.