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LE BOSSU.

Quand je suis las et découragé, je le contemple… Sa vue ranime mon orgueil… c’est l’orgueil qui est la force de l’homme.

Sou à sou, livre à livre, j’amassais. Je ne mangeais pas à ma faim ; je buvais mon content parce qu’il y a de l’eau gratis aux fontaines… J’avais des haillons, je couchais sur la dure… Mon trésor augmentait… J’amassais, j’amassais toujours !

— Tu es donc avare ! interrompit Gonzague avec empressement, comme s’il eût eu intérêt ou plaisir à découvrir le côté faible de cet être bizarre.

Le bossu haussa les épaules.

— Plût à Dieu ! monseigneur ! répondit-il ; si seulement le ciel m’eût fait avare ! si seulement je pouvais aimer mes pauvres écus comme l’amant adore sa maîtresse… c’est une passion, cela !… j’emploierais mon existence à l’assouvir… Qu’est le bonheur, sinon un but dans la vie ? Un prétexte de s’efforcer et de vivre ?… Mais n’est pas avare qui veut… J’ai longtemps espéré que je deviendrais avare… je n’ai pas pu… je ne suis pas avare !…

Il poussa un gros soupir et croisa ses bras sur sa poitrine.

— J’eus un jour de joie, continua-t-il, rien