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LE BOSSU.

en poussière, cela tord ou fond le fer, cela fait des cendres avec le tronc géant des vieux chênes… Eh bien ! sur le mur incandescent qui fume et qui craque, parmi les flammes dont la langue ondule et fouette, couchée par le vent complice, voici une ombre, un objet noir, un insecte, un atome… c’est un homme… il n’a pas peur du feu… pas plus du feu que de l’eau… il est le roi… il dit : Je veux !… Le feu impuissant se dévore lui-même et meurt !

Le bossu s’essuya le front. Il jeta un regard sournois autour de lui et eut tout à coup ce petit rire sec et crépitant que nous lui connaissons.

— Eh ! eh ! eh ! eh !… fit-il tandis que son auditoire tressaillait ; jusqu’ici j’ai vécu une misérable vie… hé ! hé ! hé !… Je suis petit, mais je suis homme !… Pourquoi ne serais-je pas amoureux, mes bons maîtres ? Pourquoi pas curieux ? pourquoi pas ambitieux ?… Je ne suis plus jeune… Je n’ai jamais été jeune… Vous me trouvez laid, n’est-ce pas ?… J’étais plus laid encore autrefois… C’est le privilège de la laideur : l’âge l’use comme la beauté… Vous perdez, je gagne… dans le tombeau, nous serons tous pareils.

Il ricana en regardant tour à tour chacun des affidés de Gonzague.