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LE BOSSU.

tieux, curieux… sais-je quel nom donner à la passion qui me tourmente ?… Ces gens rient… ils ont raison : moi je souffre.

Gonzague lui tendit la main. Le bossu la baisa, mais ses lèvres frémirent :

Il poursuivit d’un ton si étrange, que nos roués perdirent leur gaieté :

— Curieux, ambitieux, amoureux… qu’importe le nom du mal… la mort est la mort, qu’elle vienne par la fièvre, par le poison, par l’épée.

Il secoua tout à coup son épaisse chevelure, et son regard brilla.

— L’homme est petit, dit-il, mais il remue le monde !… Avez-vous vu parfois la mer, la grande mer en fureur ? Avez-vous vu les vagues hautes jeter follement leur écume à la face voilée du ciel ?… Avez-vous entendu cette voix rauque et profonde, plus profonde et plus rauque que la voix du tonnerre lui-même… C’est immense, c’est immense !… Rien ne résiste à cela, pas même le granit du rivage qui s’affaisse de temps en temps, miné par la rude sape du flot… je vous le dis et vous le savez : c’est immense !… Eh bien, il y a une planche qui flotte sur un gouffre, une planche frêle qui tremble et gémit… sur la planche, qu’est-ce ? Un être plus frêle