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LE BOSSU.

Henri la contemplait avidement.

— Vous me demandez si je vous aime ! répéta Aurore, vous, Henri !…

Lagardère lui mit la main sur la bouche. — Elle la baisa. — Il la retira comme si la flamme l’eût touchée.

— Pardonnez-moi, reprit-il ; je suis bouleversé… Et pourtant, il faut bien que je sache… Vous ne vous connaissez pas vous-même, Aurore… Il faut que je sache !… Écoutez-bien !… réfléchissez bien… nous tenons ici le bonheur ou le malheur de toute notre vie… Répondez, je vous en supplie, avec votre conscience, avec votre cœur.

— Je vous répondrai comme à mon père ! dit Aurore.

Il devint livide et ferma les yeux.

— Pas ce nom-là !… balbutia-t-il d’une voix si faible, qu’Aurore aurait eu peine à l’entendre, — jamais ce nom-là !… Mon Dieu ! reprit-il après un silence et en relevant ses yeux humides, c’est le seul que je lui aie appris !… Qui voit-elle en moi, sinon son père ?…

— Oh !… Henri !… voulut dire Aurore, que sa rougeur subite faisait plus charmante.

— Quand j’étais enfant, pensa tout haut Lagardère, les hommes de trente ans me semblaient des vieillards !…