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LE BOSSU.

de cette jeune fille qu’on me donnait pour mademoiselle de Nevers. Je me suis irritée trop vite… Mais la souffrance aigrit, vous le savez bien… Et moi, j’ai tant souffert !…

Lagardère se tenait debout et incliné devant elle, dans une respectueuse attitude.

— Et puis, poursuivit-elle avec un mélancolique sourire, — car toute femme est comédienne supérieurement, — je suis jalouse de vous, ne le devinez-vous point ?… Cela porte à la colère… Je suis jalouse de vous qui m’avez tout pris : sa tendresse, ses petits cris d’enfant, ses premières larmes et son premier sourire… Oh ! oui, je suis jalouse !… Dix-huit ans de sa chère vie que j’ai perdus !… et vous me disputez ce qui me reste… Voulez-vous me pardonner ?

— Je suis heureux… bien heureux de vous entendre parler ainsi, madame !

— M’avez-vous donc cru un cœur de marbre ?… Que je la voie seulement !… Je suis votre obligée, monsieur de Lagardère… Je suis votre amie… je m’engage à ne jamais l’oublier…

— Je ne suis rien, madame… Il ne s’agit pas de moi…

— Ma fille ! s’écria la princesse en se levant ; rendez-moi ma fille… Je promets tout, sur mon honneur et sur le nom de Nevers.