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LE BOSSU.

semblait que la mère d’Aurore devait ouvrir ses bras à ma vue et me serrer, tout poudreux encore du voyage, sur son cœur ivre de joie !… Mais le long de la route, à mesure que l’heure de la séparation approchait, j’ai senti en moi comme une plaie qui s’ouvrait, qui grandissait et qui s’envenimait… Ma bouche essayait encore de prononcer ce mot : Ma fille… ma bouche mentait : Aurore n’est plus ma fille !… je la regardais et j’avais des larmes dans les yeux… Elle me souriait, madame… hélas ! pauvre sainte, à son insu et malgré elle, autrement qu’on ne sourit à son père !

La princesse agita son éventail et murmura entre ses dents serrées :

— Votre rôle est de me dire qu’elle vous aime !

— Si je ne l’espérais pas, repartit Lagardère avec feu, — je voudrais mourir à l’instant même !

Madame de Gonzague se laissa choir sur un des bancs qui bordaient la charmille.

Sa poitrine agitée se soulevait par soubresauts.

En ce moment, ses oreilles se fermaient d’elles-mêmes à la persuasion. Il n’y avait en elle que courroux et rancune. — Lagardère était le ravisseur de sa fille !