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LE BOSSU.

— Je le prierai seulement, dit-il, de me dépêcher par un bon coup dans la poitrine… ça doit lui être égal.

— Pourquoi un coup dans la poitrine ? demanda le gascon.

Passepoil avait les larmes aux yeux. Cela ne l’embellissait point. Cocardasse dut s’avouer, à cet instant suprême, qu’il n’avait jamais vu d’homme plus laid que sa caillou.

Voici pourtant ce que répondit Passepoil en baissant modestement sa paupière sans cils :

— Je désire, mon noble ami, mourir d’un coup dans la poitrine, parce que, ayant été habitué généralement à plaire aux dames, il me répugnerait de penser qu’une ou plusieurs personnes de ce sexe à qui j’ai voué ma vie pussent me voir défiguré après ma mort.

— Pécaire ! grommela Cocardasse.

Mais il n’eut pas la force de rire.

Ils se mirent tous les deux à tourner autour du bassin. Ils ressemblaient à deux somnambules marchant sans entendre et sans voir.

Et cependant, c’était quelque chose de bien curieux, de bien ingénieux, de bien attachant que le ballet intitulé la Fille du Mississipi. Depuis que le ballet était inventé, on n’avait rien vu de pareil.