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LE BOSSU.

placée devant moi. Henri fit de même. Il paya notre repas et nous sortîmes de l’auberge. — Devant la porte passait un chemin qui conduisait dans les douves. Nous prîmes ce chemin.

» La bonne femme nous suivait.

» — Ce fut là, dit-elle en montrant le poteau qui faisait une des assises du pont du côté du rempart, — ce fut là que le jeune seigneur déposa son enfant.

» — Oh ! m’écriai-je, il y avait un enfant !

» Le regard qu’Henri tourna vers moi fut étrange, et je ne puis encore le définir. Parfois, mes paroles les plus simples lui causaient ainsi des émotions soudaines et qui me paraissaient n’avoir point de motif.

» Cela donnait carrière à mon imagination. Je passais ma vie à chercher en vain le mot de toutes ces énigmes qui étaient autour de moi.

» Ma mère, on se moque volontiers des pauvres orphelines qui voient partout un indice de leur naissance. Moi, je vois dans cet instinct quelque chose de providentiel et de souverainement touchant. Eh bien ! oui ! notre rôle est de chercher sans cesse, de ne nous point lasser dans notre tâche difficile et ingrate. Si l’obstacle que nous avons soulevé à demi retombe et nous terrasse, nous nous redressons plus vaillants,