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LE BOSSU.

» Car mon ami Henri sortait dès le matin et ne revenait que le soir.

» Il rentrait les mains noires et le front en sueur. Il était triste. Mes caresses seules pouvaient lui rendre son sourire.

» Nous étions pauvres et nous mangions notre pain dur ; mais il trouvait encore moyen parfois de m’apporter du chocolat, ce régal espagnol, et d’autres friandises.

» Ces jours-là, je revoyais son pauvre beau visage heureux et souriant.

» — Aurore, me dit-il un soir, — je m’appelle don Luiz à Pampelune… et, si l’on vient vous demander votre nom, vous répondrez : Mariquita.

» Je ne savais que ce nom d’Henri qu’on lui avait donné jusqu’alors. Jamais il ne m’a dit lui-même qu’il était le chevalier de Lagardère. Il m’a fallu l’apprendre par hasard.

» Il m’a fallu deviner aussi ce qu’il avait fait pour moi quand j’étais toute petite. Je pense qu’il voulait me laisser ignorer combien je lui suis redevable.

» Henri est fait ainsi, ma mère ; c’est la noblesse, l’abnégation, la générosité, la bravoure poussées jusqu’à la folie. — Il vous suffirait de le voir pour l’aimer presque autant que je l’aime.

» J’eusse préféré, en ce temps-là, moins de