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LE BOSSU.

Elle dit cela sans rougir. — Elle ne savait pas ce que c’était que notre pudeur.

Ce fut un baiser de père que Gonzague déposa sur son front.

Dona Cruz laissa échapper un gros soupir.

— Vous me dites, reprit-elle : « Tu es trop belle, ma fille, pour danser ainsi sur la place publique avec un tambour de basque et une ceinture de faux sequins… Viens avec moi. »

Je me mis à vous suivre. Je n’avais déjà plus de volonté.

En entrant dans votre demeure, je reconnus bien que c’était le propre palais d’Alberoni. On me dit que vous étiez l’ambassadeur secret du régent de France auprès de la cour de Madrid.

Que m’importait cela ? — Nous partîmes le lendemain. — Vous ne me donnâtes point place dans votre chaise.

Oh ! je ne vous ai jamais dit cela, monseigneur, car c’est à peine si je vous entrevois à de rares intervalles. Je suis seule, je suis triste, je suis abandonnée !

Je fis cette longue route de Madrid à Paris, cette route sans fin, dans un carrosse à rideaux épais et toujours fermés, je la fis en pleurant, je la fis avec des regrets plein le cœur !… Je sentais bien déjà que j’étais une exilée.