Page:Féval - Le Bossu (1857) vol 1-3.djvu/272

Cette page a été validée par deux contributeurs.
48
LE BOSSU.

mais où j’étais libre… libre comme l’air du ciel !…

Elle s’interrompit, et ses sourcils noirs se froncèrent légèrement.

— Savez-vous, monseigneur, dit-elle, que vous m’aviez promis bien des choses ?

— Je tiendrai plus que je n’ai promis, repartit Gonzague.

— Ceci est encore une promesse… et je commence à ne plus croire.

Ses sourcils se détendirent et un voile de rêverie vint adoucir l’éclair aigu de son regard.

— Ils me connaissaient tous, dit-elle, — les gens du peuple et les seigneurs… ils m’aimaient, et, quand j’arrivais on criait : « Venez, venez voir la gitanita, la gitanita qui va danser le bamboleo de Xérès ! » et si je tardais à venir, il y avait toujours du monde… beaucoup de monde à m’attendre sur le plaza Santa, derrière l’Alcazar… Quand je rêve la nuit, je revois ces grands orangers du palais qui embaumaient l’air du soir et ces maisons à tourelles brodées, où s’ouvrait à demi la jalousie, vers la brune… Ah ! ah ! j’ai prêté ma mandoline à plus d’un grand d’Espagne ! Beau pays ! se reprit-elle les larmes aux yeux, — pays des parfums et des sérénades ! Ici, l’ombre de vos arbres est froide et fait frissonner.