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LA VAMPIRE

Il était sûr que la voiture contenait son inconnue.

La voiture alla longtemps au trot de ses magnifiques chevaux. La sueur inondait le front de René, qui perdait haleine, sinon courage, et ne s’arrêtait point.

La voiture suivit les quais jusqu’à l’Hôtel de Ville, puis remonta la rue Saint-Antoine, dans laquelle elle fit une courte halte. Les portières restèrent fermées, le valet de pied seulement descendit, frappa à une porte, entra, ressortit et reprit sa place en disant :

— Allez ! le docteur viendra.

René avait profité du temps d’arrêt pour reprendre haleine et nouer sa cravate autour de ses reins.

Quand la voiture repartit, il la suivit encore.

Que voulait-il, cependant ? Il n’aurait point su répondre à cette question.

Il allait, entraîné par une force irrésistible.

La voiture s’arrêta encore deux fois, rue Culture-Sainte-Catherine et Chaussée-des-Minimes.

Deux fois le valet de pied descendit et remonta sans avoir eu aucune communication avec l’intérieur de la voiture.

En quittant la Chaussée-des-Minimes la voiture regagna rue Saint-Antoine. À ce moment l’horloge de l’église Saint-Paul sonnait dix heures de nuit.

Cette fois la traite fut longue et véritablement rude pour René, L’équipage, lancé à pleine course, brûla le pavé de rue Saint-Antoine, franchit la place de la Bastille et longea tout le faubourg sans ralentir sa marche.

Il y avait alors un large espace vide entre les dernières maisons du faubourg Saint-Antoine et la place du Trône. La rue de la Muette n’était qu’un chemin creux, bordé de marais.

La voiture s’arrêta enfin devant une habitation isolée et assez grande, située à gauche du faubourg, dans les terrains qui avoisinaient la rue de la Muette.

Il n’y avait point de lumière aux fenêtres de cette habitation, à laquelle conduisait un chemin tracé à travers champs.

Au-devant de la porte, de l’autre côté du chemin, un mur de marais tombait en ruine, laissant voir, par ses brèches un champ d’arbustes fruitiers, framboisiers, groseilliers et cassis, que surmontaient quelques cerisiers de maigre venue.

René était bon coureur, néanmoins, malgré ses efforts, il s’était laissé distancer à la fin par le galop des chevaux. Il vit loin l’équipage tourner, puis faire halte ; il ne put distinguer dans la nuit ce qui se passait à la porte de la maison.

Comme il arrivait au détour du chemin, la voiture, reve-