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LA VAMPIRE

Quand elle est ressortie, l’abbé Martel la suivait : un beau prêtre, bien vénérable, quoiqu’il s’occupe un peu trop de politique.

Il parlait encore politique en gagnant son confessionnal, et il disait :

« — Ma fille, le premier consul a fait beaucoup pour la religion ; je crains que vous ne soyez mêlée à toutes ces intrigues des conspirateurs. »

La belle blonde a eu un étrange sourire en répondant :

« — Mon père, aujourd’hui même vous allez connaître le secret de ma vie. Une fatalité pèse sur moi. Ne me soupçonnez pas avant que je vous aie dit mon malheur et l’espoir qui me reste. Je suis de noble race, de race puissante même ; la mort a moissonné autour de moi, me laissant seule. La lettre de l’archevêque primat de Gran, vicaire général de Sa Sainteté en Hongrie, vous a dit que je cherche dans l’Église une protection, une famille. Les conspirations me font horreur, et si je perds la dernière chance que j’ai d’être heureuse par le cœur, mon dessein est de chercher la paix au fond d’un cloître. »

Le confessionnal de l’abbé Martel s’est ouvert, puis refermé. Je n’ai plus rien entendu…

Ici l’apprenti médecin s’interrompit brusquement pour fixer sur son compagnon ses yeux qui brillaient dans la nuit.

— Patron, demanda-t-il, comprenez-vous quelque chose à cela ?

— Va toujours, répliqua le gardien, dont la tête pensive s’inclinait sur sa poitrine.

— Si vous comprenez, grand bien vous fasse ! reprit Patou. Je continue. Un quart d’heure environ se passa. Cette brave église de Saint Louis-en-l’Île ne reçoit pas beaucoup de visites. La première personne qui entra fut ce grand garçon d’Allemand à qui vous donniez des leçons d’escrime dans le temps.

— Ramberg, murmura le gardien. Je l’ai vu.

— C’est une rencontre qui a dû vous étonner, car vous m’aviez dit qu’il était reparti pour l’Allemagne. En entrant, il alla droit à la sacristie, où l’abbé Martel et la divine blonde le rejoignirent bientôt. Dans la sacristie, il y eut une conférence d’un peu plus de vingt minutes, à la suite de laquelle la blonde délicieuse alla s’agenouiller devant l’autel de la Vierge, tandis que l’Allemand et l’abbé Martel prenaient place au confessionnal… Est-ce qu’on ne se confesse pas avant de se marier, patron ?

Le gardien ne répondit point. Patou poursuivit :

M. René de Kervoz entra pendant que l’Allemand se