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LA VAMPIRE

qui m’a créé ; je crois en la république que j’aime et en ma conscience qui ne m’a jamais trompé.

Patou sauta sur le pavé de la rue Poultier, et fit un entrechat à quatre temps qu’on n’eût point espéré de ses courtes jambes.

— Vous, patron, dit-il en éclatant de rire, vous êtes naïf comme un enfant, solide comme un athlète et absurde comme une jolie femme. Vous confondez toutes les notions. J’ai un petit-neveu qui me disait l’autre jour : J’aime maman et les pommes d’api. C’est de votre… À propos ! — c’est cette belle comtesse blonde qui me fait songer à cela, — quel sujet à disséquer ! J’étudie en ce moment les maladies spéciales de la femme. J’aurais grand besoin de quelqu’un… j’entends quelqu’un de jeune et de bien conformé… un beau sujet… Auriez-vous cela dans votre caveau de bénédiction, M. Jean-Pierre ?

III

GERMAIN PATOU

Il faisait presque nuit. Un seul pas, lourd et lent, sonnait sur le pavé si vieux, mais presque vierge, de ces rues mélancoliques où nul ne passe et que le clair regard des boutiques ouvertes n’illumine jamais. Ce pas solitaire était celui d’un pauvre estropié qui allait, allumant l’une après l’autre les mèches fumeuses des réverbères avares de rayons.

L’estropié cahotait sous ses haillons comme une méchante barque secouée par la houle, il chantait une gaudriole plus triste qu’un libera.

Patou et l’homme que nous avons désigné sous tant de noms déjà, le patron des maçons du Marché-Neuf, M. le gardien, M. Jean-Pierre, descendaient de la petite porte de l’église Saint-Louis au quai de Béthune. Dans l’ombre, la différence qui existait entre leurs tailles atteignait au fantastique. Patou semblait un nain et Jean-Pierre un géant.

Quelque jour nous retrouverons ce nain, grandi, non pas au physique beaucoup, mais au moral ; nous verrons le docteur Germain Patou porter à son chapeau, selon sa propre volonté, le nom de Samuel Hahnemann comme une cocarde, et produire de ces miracles qui firent lapider une fois, à Leipzig, le fondateur de l’école homéopathique, mais qui fondirent plus tard le bronze dont est faite sa statue colossale, la statue de ce même Samuel Hahnemann, érigée au beau milieu