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LA VAMPIRE

— Quelle femme ?

— La comtesse.

— Ah ! ah ! fit le gardien, c’est une comtesse !

— L’abbé Martel l’a appelée ainsi… Mais pensiez-vous que je voulais parler de votre Angèle, pauvre cher cœur, puisque vous me demandiez : Quelle femme ?

— N’as-tu point vu Angèle ?

— Si fait… bien pâle et avec des larmes dans ses beaux yeux.

— Et René ?

— René aussi… plus pâle qu’Angèle… mais le regard brûlant et fou…

— Et as-tu deviné ?

— Patience !… Au lit du malade, celui qui expose le mieux les symptômes ne découvre pas toujours le remède. Il y a les savants et les médecins : ceux qui professent et ceux qui guérissent… Je vais vous exposer les faits : je suis le savant… vous serez le médecin, si vous devinez le mot de la charade… ou des charades, car il y a là plus d’une maladie, j’en suis sûr.

Un bruit de clefs se fit entendre en ce moment du côté de la sacristie, et le bedeau commença une ronde, disant à haute voix : On va fermer les portes.

Hormis le gardien et Patou, il n’y avait personne dans l’église. Le gardien se dirigea vers l’entrée principale, mais Patou le retint et se mit à marcher en sens contraire.

En passant près du petit bénitier de la porte latérale, le gardien y trempa les doigts de sa main droite, et offrit de l’eau bénite à Patou, qui dit merci en riant.

Le gardien se signa gravement.

Patou dit :

— Je n’ai pas encore examiné cela. Hier je me moquais de Samuel Hahnemann, aujourd’hui j’attacherais volontiers son nom à mon chapeau ; quand j’aurai achevé mon cours de médecine, je compte étudier un peu la théologie, et peut-être que je mourrai capucin.

Il s’interrompit pour ajouter en montrant la porte :

— C’est par là que M. René est sorti, et après lui Mlle Angèle.

Le gardien était pensif.

Tu as peut-être raison de tout étudier, Patou, mon ami, dit-il avec une sorte de fatigue, moi je n’ai rien étudié, sinon la musique, l’escrime et les hommes…

— Excusez du peu ! fit l’apprenti médecin.

— Il est trop tard pour étudier le reste, acheva le gardien. Je suis du passé, tu es de l’avenir ; le passé croyait à ce qu’il ignorait ; vous croirez sans doute à ce que vous aurez appris ; je le souhaite, car il est bon de croire. Moi, je crois en Dieu