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LA VAMPIRE

Il s’arrêta, mais ne parla point, parce que la créature humaine qui était là, tapie dans l’angle profond laissé derrière la chaire, mit un doigt sur ses lèvres et montra ensuite un confessionnal situé à quelques pas de là.

Le patron s’agenouilla sur la dalle et prit l’attitude de la prière.

L’instant d’après, la porte du confessionnal s’ouvrit, et un prêtre jeune encore, dont la tonsure laissait une place d’une blancheur éclatante au milieu d’une forêt de cheveux noirs, se dirigea vers l’autel de la Vierge et s’y prosterna.

Après une courte oraison, pendant laquelle il frappa trois fois sa poitrine, le prêtre baisa la pierre en dehors de la balustrade, et gagna la sacristie.

L’ombre sortit alors de son encoignure et dit :

— Maintenant, nous sommes seuls.

C’était un enfant, ou du moins il semblait tel, car sa tête ne venait pas tout à fait à l’épaule de son compagnon, mais sa voix avait un timbre viril, et le peu qu’on voyait de ses traits donnait un démenti à la petitesse de sa taille.

— Y a-t-il longtemps que tu es là, Patou ? demanda notre homme.

— Monsieur le gardien, répondit l’ombre, la clinique du docteur Loysel a fini à trois heures douze minutes, et il y a loin de Saint-Louis-en-l’Île à l’École de médecine.

— Qu’as-tu vu ? interrogea encore celui qu’on nommait ici M. le gardien, et là-bas « le patron ».

Au lieu de répondre, cette fois, le prétendu enfant secoua d’un mouvement brusque la chevelure hérissée qui se crépait sur sa forte tête, et murmura comme en se parlant à lui-même :

— Je serais bien venu plus tôt, mais le professeur Loysel faisait sa leçon sur l’Organon de Samuel Hahnemann. Voilà huit jours que dure cette parenthèse, où il n’est pas plus question de clinique que du déluge. Je n’avais jamais entendu parler de ce Samuel Hahnemann, mais on l’insulte tant et si bien à l’École, que je commence à le regarder comme un grand inventeur…

— Patou, mon ami, interrompit le gardien, vous autres de la Faculté, vous êtes tous des bavards. Il ne s’agit pas de ce Samuel, qui doit être un juif ou tout au moins un baragouineur allemand, puisqu’il a un nom en mann… Qu’as-tu vu ? Dis vite !

— Ah ! monsieur le gardien, répliqua Patou, de drôles de choses, parole d’honneur ! Les gens de police doivent s’amuser, c’est certain, car pour une fois que j’ai fait l’espion, je me suis diverti comme un ange !… La jolie femme, dites donc !