On put entendre, en ce moment, des coups de feu dans la rue de Buci, C’était le capitaine L… et trois de ses amis qui prenaient les agents à revers.
En même temps, un homme de haute taille et coiffé de cheveux blancs, fendit la presse qui encombrait la rue Saint-André-des-Arts. Il bondit en scène, brandissant un sabre qu’il venait d’arracher à un soldat du train de l’artillerie, lequel le poursuivait en criant.
Nous avons vu que Jean-Pierre Sévérin, au lieu de prendre la rue Saint-Jacques, comme son compagnon Germain Patou, avait continué de longer le quai.
Tout ce que nous venons de raconter s’était passé avec une rapidité si grande que Jean-Pierre Sévérin ne faisait que d’arriver, quoiqu’il eût toujours marché d’un bon pas.
De la rue Saint-André-des-Arts, il avait reconnu, au beau milieu de la bagarre, l’oncle de René de Kervoz, debout dans sa voiture et faisant le coup de feu.
L’idée lui vint soudain que ceci était une suite de l’erreur de M. Berthellemot, confondant M. Morinière, le maquignon inoffensif, avec Georges Cadoudal, qui voulait tuer le premier consul.
Aucun de nous n’est parfait. Tout homme tient à son opinion, surtout les chevaliers errants, dit-on, et Gâteloup était un chevalier errant. Sa vie s’était passée à défendre le faible contre le fort.
Dans sa pensée peut-être, car il était subtil à sa manière, le danger de Morinière se rattachait à quelque piège tendu par la comtesse Marcian Gregoryi.
N’avait-il pas été pris lui-même, lui Gâteloup, au cabaret de la Pêche miraculeuse, pour un des assassins du chef de l’État ?
Il apaisa le soldat du train en lui jetant son nom, connu dans toutes les salles d’armes de tous les régiments, et lui dit :
— On va te rendre ton outil, mon camarade. Prête-le-moi cinq minutes, si tu es un bon enfant !
Et, attachant rapidement sur sa poitrine le cœur d’or que nous connaissons, il s’écria :
— Holà ! y a-t-il quelqu’un pour se mettre du côté de papa Gâteloup ?
Dix voix répondirent dans la foule :
— Présent, monsieur Sévérin ! on y va !
Et les militaires qui barraient le passage du côté de la rue Dauphine remirent l’épée au fourreau.
Gâteloup, cependant, abordait le cabriolet par devant.
Il comprit la situation d’un coup d’œil et acheva de dételer le cheval.