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LA VAMPIRE

Le chef de l’État habitait le château de Saint-Cloud.

À la garde montante du matin, et à l’aide d’intelligences qui ne sont pas entièrement expliquées, les trois cents conjurés, revêtus de l’uniforme réglementaire, devaient prendre le service du château.

Il paraît prouvé qu’on avait le mot d’ordre.

À son réveil, le premier consul se serait donc trouvé au pouvoir de l’insurrection.

Le plan manqua, non point par l’action des polices qui l’ignorèrent jusqu’au dernier moment, mais par l’irrésolution de Moreau. Ce général était sujet à ces défaillances morales. Il eut frayeur ou remords. L’exécution du complot fut remise à quatre jours de là.

Jamais les complots remis ne s’exécutent.

On raconte qu’un Breton conjuré, M. de Querelles, pris de frayeur à la vue de ces hésitations, demanda et obtint une audience du premier consul lui-même et révéla tous les détails du plan.

Napoléon Bonaparte rassembla, dit-on, dans son cabinet, sa police militaire, sa police politique et sa police urbaine : M. Savary, depuis duc de Rovigo ; le grand juge Régnier et M. Dubois. Il leur raconta la très curieuse histoire de la conspiration ; il leur prouva que Moreau et Pichegru allaient et venaient depuis huit jours dans les rues de Paris comme de bons bourgeois, et que Georges Cadoudal, gros homme de mœurs joyeuses, fréquentaient assidûment les cafés de la rive gauche après son dîner.

L’histoire ne dit pas que son discours fût semé de compliments très chauds pour ses trois chargés d’affaires au département de la clairvoyance.

Le futur empereur ne remercia que Dieu — et son ancien ami J.-Victor Moreau, qu’il avait toujours regardé comme une bonne arme mal chargée et susceptible de faire long feu.

Moreau et Pichegru furent arrêtés. Georges Cadoudal, qui n’était pourtant pas de corpulence à passer par le trou d’une aiguille, resta libre.

Et Fouché se frotta les mains, disant : Vous verrez qu’il faudra que je m’en mêle !

Par le fait, les gens de police sont rares, et Fouché lui-même fut en défaut nombre de fois. Argus a beau posséder cinquante paires d’yeux, qu’importe s’il est myope ? L’histoire des bévues de la police serait curieuse, instructive, mais monotone et si longue, si longue, que le découragement viendrait à moitié route.

Nous avions, pour placer ici cette courte digression historique, plusieurs raisons qui toutes appartiennent à notre