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LA VAMPIRE

— Alors, je mens, foi de Dieu !…

— Oui, vous mentez, monsieur Morinière…

La grosse femme recula et l’on entendit le bruit sec de la batterie d’un pistolet.

Femme, gronda une voix qui n’était plus flûtée du tout, dis ton nom et ce que tu veux…

— Je veux vous parler d’une affaire de vie et de mort, répondit la comtesse. Je suis Angèle Lenoir, fille de Mme Sévérin du Châtelet et fiancée de votre neveu René de Kervoz…

Une sourde exclamation l’interrompit ; elle acheva :

— Je viens de la part de votre neveu, qui est en prison à cause de vous, et j’apporte pour gage la médaille de Sainte-Anne d’Auray, que sa mère, votre sœur, lui passa au cou le jour où il quitta le pays de Bretagne.

Pour la seconde fois, la fenêtre de l’entresol se ferma, mais presque aussitôt après, le porte même de l’allée borgne s’ouvrit.

— Entrez ! fut-il dit.

La comtesse obéit sans hésiter.

Dans l’obscurité soudaine qui se fit après la clôture de la porte, la voix reprit avec un tremblement de colère :

— Vous jouez gros jeu, belle dame. Je connais la fiancée de mon neveu. Vous n’êtes pas Angèle Sévérin.

— Je suis, répliqua bravement la comtesse, Constanza Ceracchi, la belle-sœur du statuaire Giuseppe, mort sur l’échafaud.

— Ah ! ah ! fit la voix : un hardi coquin ! quoique le poignard soit l’arme des lâches… Foi de Dieu ! moi, je n’ai que mon épée… Mais comment connaissez-vous mon neveu ?

— Montons, dit la comtesse.

On lui prit la main et on lui fit gravir un escalier roide comme une échelle, au haut duquel était une chambre éclairée par une veilleuse de nuit.

Elle entra dans cette chambre.

Son compagnon, qui était la grosse femme de la fenêtre, et qui, vu de près, avait la joue toute bleue de barbe, répéta :

— D’où connaissez-vous mon neveu ?

La comtesse tira de son sein la médaille de Sainte-Anne d’Auray qu’elle tendit à la femme barbue, en disant :

— Monsieur de Cadoudal, votre neveu m’aime.

— Foi de Dieu ! s’écria Georges, car c’était lui en personne, est-ce que je ne suis pas mieux déguisé que cela ?… L’enfant a raison, car vous êtes jolie comme un cœur, ma commère… et j’avais bien entendu dire déjà qu’il faisait ses fredaines… Mais que parlez-vous de prison ?

— Monsieur de Cadoudal, reprit la fausse belle-sœur de Giuseppe Ceacchi, j’aime votre neveu.