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LA VAMPIRE

Un char attelé de quatre chevaux à tous crins passe rapide comme la tempête : un char étrange, haut sur roues, moitié valaque, moitié tartare, et dont l’essieu jette des cris éclatants.

Avez-vous reconnu ce hussard dont le dolman flotte à la brise ? — Et cette enfant, cette douce et blonde fille ? Les morts vont vite : les clochers de Czegled ont fui au lointain, et les tours de Keczkemet et les minarets de Szegedin. Voici les fières murailles de Temesvar, puis, là-bas, Belgrade, la cité des mosquées…

Mais le char ne va pas jusque-là. Sa roue a touché les tables de marbre du dernier cimetière chrétien ; sa roue se brise. Faust est debout, portant Marguerite évanouie dans ses bras…

La seconde gravure en taille-douce, oh ! je m’en souviens bien ! représentait l’intérieur d’une tombe seigneuriale dans le cimetière de Petervardein : une longue file d’arceaux où se mourait la lueur d’une seule lampe.

Marguerite était couchée sur un lit qui ressemblait à un cercueil. Elle avait encore ses habits de fiancée. Elle dormait.

Sous les arceaux, éclairés vaguement, une longue file de cercueils, qui ressemblaient à des lits, supportaient de belles et pâles statues, couchées et dormant l’éternel sommeil.

Toutes étaient vêtues en fiancées ; toutes avaient autour du front la couronne de fleur d’oranger. Toutes étaient blanches de la tête aux pieds, sauf un point rouge au-dessous du sein gauche : la blessure par où Faust-Vampire avait bu le sang de leur cœur.

Et Faust, il faut bien le dire, se penchait au-dessus de Marguerite endormie : le beau Faust, le valseur admiré, le tentateur et le fascinateur.

Il était hâve ; sans son costume de hussard vous ne l’auriez point reconnu ; les ossements de son crâne n’avaient plus de cheveux, et ses yeux, ses yeux si beaux, manquaient à leurs orbites vides.

C’était un cadavre, ce Faust, et, chose hideuse à penser, un cadavre ivre !

Il venait d’achever sa lugubre orgie : il avait bu tout le sang du cœur de Marguerite !

Et le texte ? Ma foi, je ne sais plus. Ce second tome était bien moins amusant que le premier. Le vampire hongrois s’ennuie chez lui comme don Juan l’Espagnol, comme l’Anglais Lovelace, comme le Français, bourreau des cœurs, quel que soit son nom. Tous ces coquins-là tuent platement, comme des pleutres qu’ils sont au fond. Ils ne valent qu’avant l’assassinat. Je n’ai jamais pu découvrir, pour ma part, la