Page:Féval - La Tache Rouge, volume 1 - 1870.djvu/28

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
20
LA TACHE ROUGE

— À tantôt, maman, voilà M. Polydore : Mazette ! il ne faut pas aller à la sans-gêne avec celui-là !

On voyait accourir Maniquet ; on voyait aussi un monsieur à la toilette élégante et trop correcte qui se tenait debout devant le tas de la Bastien, les mains dans les poches de son paletot, et pleinement éclairé par les deux lanternes d’un tilbury dont le cheval fumait derrière lui.

— Attendez, ma bonne Bastien, dit la petite femme, si vous voulez attendre, je vais faire toutes mes provisions chez vous.

La maraîchère haussa les épaules.

— Je ne dis pas que vous êtes une mauvaise pratique, maman, répondit-elle en pressant le pas vers sa place, mais M. Polydore est le chef de M. le baron Chauffour ! Le nègre blond, comme il dit, car il est cocasse, M. Polydore…

— Vous pensez ! ajouta-t-elle avec emphase : le baron Chauffour ! Gardez la lettre, si vous voulez, jusqu’à demain. Bonsoir.

La petite femme cessa de la suivre.

À ce nom « M. le baron Chauffour, » elle avait changé de couleur.

Elle resta un instant immobile et les yeux baissés, puis, tournant le dos brusquement elle s′éloigna dans la direction du marché.