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dre, elle mit un doigt sur ses lèvres et montra Suavita endormie.

— Ah ! fit le prince, la petite sœur malade ! Laissons-la reposer, mon bel ange, et venez sur la terrasse, d’où nous pourrons voir le signal, rien qu’en levant les yeux. Je n’ai pas besoin de vous dire que si je suis en retard, c’est que je m’occupais de vous.

Il lui offrit son bras où elle appuya ses deux mains croisées pour le contempler avec une dévote admiration.

— C’est si bien, un rêve ! reprit-elle en extase, le petit-fils de Henri IV d’un côté, et de l’autre, moi… une pauvre fille !

— Souvenez-vous, répliqua le prince, que le Béarnais, mon vénéré aïeul ne demandait pas mieux que d’épouser sa belle Gabrielle. Le général de Champmas vaut bien ce vieux canonnier d’Estrées, dont le château était un mauvais lieu campagnard. J’ai envie de jurer un peu ventre saint-gris pour vous dire que jamais plus adorable front ne mérita une couronne royale.

Il effleura cet adorable front d’un baiser de cour et la beauté d’Ysole rayonna comme si un regard du soleil l’eût touchée.

— Est-ce que vous avez quelque chose de nouveau, mon prince ? demanda-t-elle : j’entends pour vous, pour vos droits ?

— Mes droits ? répondit-il en riant. Ceux qui sont en exil et qu’on appelle la branche aînée de Bourbon les ont mis bien bas, mes droits… et les bourgeois de la branche cadette ne me paraissent pas décidés à lâcher les douceurs de la liste civile. Mes droits sont ridicules, chère bien-aimée. On s’en moque au faubourg Saint-Germain comme aux Tuileries, mais patience ! Dois-je vous dévoiler mon égoïsme, charmante Ysole ? Mon amour eût, certes, suffi à me mettre à vos genoux,