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ment dans mes espoirs ; on eût dit que, désormais, notre père avait un fils dévoué… car il l’aime, ma sœur, oh ! si tu savais comme il l’aime !

Suavita eut un espiègle sourire et dit :

— C’est toi qu’il aime, va ! je devine bien.

La joue d’Ysole avait maintenant des tons pourpres d’un éclat admirable ; ses yeux rayonnaient.

— Que Dieu t’entende, chérie ! murmura-t-elle avec la franchise des profonds entraînements. Celle qu’il aimera sera une femme heureuse et glorieuse.

Suavita lui tendit la main et l’attira vers elle pour avoir un baiser.

C’était un groupe charmant. Je ne sais quelle vie animait maintenant l’exquise gentillesse de l’enfant qui répéta :

— Raconte encore.

— Il fut convenu qu’on tenterait une évasion du Mont-Saint-Michel. Le prince dispose de moyens considérables et qui tiennent de la féerie. Les préparatifs se faisaient déjà lorsque nous apprîmes que notre père serait appelé à Paris pour témoigner dans l’affaire des officiers suisses, qui se rattache au complot de la duchesse de Berry et à la Petite-Vendée. Aussitôt, nos projets furent modifiés et le prince organisa un système d’évasion pour le jour même où notre père paraîtra en justice. C’est pour cela que nous sommes dans cette maison, tout près du Palais.

— S’il allait arriver malheur…, murmura Suavita.

— Le prince répond de tout, dit Ysole péremptoirement.

— Le prince ! répéta l’enfant ; ce doit être un grand bonheur que d’être prince et puissant pour aider celle qu’on aime.