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que notre bonne cousine de Clare, ne pouvant rien par elle-même à cause de son mari, fit venir le prince. Il y a des secrets qu’on ne peut révéler même à sa chère petite sœur. Le nom du prince dont je parle est un secret de cette sorte. Mais je peux bien te dire que c’est un prince comme il y en a peu, un prince de sang royal…

— Un fils du roi ? interrompit Suavita, dont la curiosité enfantine s’éveillait.

— Le fils d’un roi ! rectifia Ysole avec une singulière emphase.

Puis, s’animant malgré elle et cédant au courant d’une mystérieuse émotion, elle poursuivit d’une voix altérée :

— Dès la première fois que je le vis, je compris que notre père était sauvé. Il est des hommes auxquels rien ne résiste et qui prennent les cœurs avec une seule parole… avec un seul regard…

— Oh ! murmura l’enfant qui pensait tout haut, un seul regard, cela est bien vrai, ma sœur.

Encore une fois, ses paupières se fermèrent. Ysole, tout entière au souvenir évoqué, ne prit point garde à cette singulière interruption et continua :

— Il est grand, il est noble, il est généreux. Mon âme s’élança vers lui et il me sembla voir un de ces héros chantés par les poètes. Ses yeux me parlèrent, sa voix me fit battre le cœur…

Sous la couverture de soie, le sein de Suavita palpitait.

— Tu sens bien, amour, s’interrompit Ysole, que tout cela avait trait à la délivrance de notre excellent père. Dès cette première entrevue, le prince me promit son aide, et avec quelle grâce chevaleresque ! il écouta mes explications, il entra ardem-