Page:Féval - La Rue de Jérusalem, 1868.djvu/89

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

crois qu’on court danger de perdre la vie.

— Certes ! toujours ! c’est le grand et terrible enjeu de ces parties. Eh bien ! notre père conspirait, et le prince conspire.

— Quel prince ? demanda l’enfant.

Au lieu de répondre, Ysole mit ses lèvres sur le front de la petite malade et murmura d’une voix que l’émotion faisait trembler :

— Serais-tu bien contente, si ta sœur devenait princesse ?

La fillette ouvrit de grands yeux étonnés.

— Si tu étais bien contente d’être princesse… commença-t-elle.

Ysole l’interrompit par une caresse nouvelle et reprit en riant :

— Quand je cause avec toi, je deviens aussi enfant que toi. Ce n’est pas là ce que tu voulais savoir. Notre père fut donc mis en prison pour avoir conspiré, et l’État lui prit ses biens. Il a beaucoup d’amis dans le gouvernement, qui pensent que sa condamnation fut injuste. J’ai vu une lettre de lui qui disait : « Si j’étais en liberté, à l’étranger, je serais bien assez riche encore des fonds que j’ai placés en Angleterre et en Allemagne ; les débats de mon affaire ont laissé une impression de doute dans tous les esprits : il ne se passerait pas un an sans que j’obtinsse amnistie. »

— Cela veut dire qu’il aurait sa grâce ? demanda Suavita.

Ysole releva sa belle tête mutine.

— Ceux qui conspirent, dit-elle avec fierté, ne prononcent jamais ce mot-là.

— Alors, insista l’enfant, quand on leur fait grâce, ils refusent ?

Ysole rougit, puis sourit.

— Tu es trop jeune, dit-elle, pour comprendre ces choses…

— Mais songe donc, interrompit-elle pré-