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a rien sur la terre de si bon que toi.

Ysole était peut-être bonne, en effet, mais il y avait en elle, à ce moment, une joie profonde qui la faisait meilleure. Et cette joie ne se rapportait pas tout entière à la délivrance de son père.

Elle s’assit auprès du lit de repos, bien près, et prit les mains de sa petite sœur entre les siennes.

— J’ai besoin de causer, dit-elle, je suis heureuse !

— Et moi donc ! s’écria Suavita. Il me semble que je n’ai plus mal. Mon Dieu ! tu as raison, Ysole, tu es heureuse ! C’est toi qui as tout préparé pour le salut de notre père. Oh ! je ne suis pas jalouse de toi, ma sœur, mais ce doit être si bon de travailler pour ceux qu’on aime !

— Pour ceux qu’on aime !… répéta Ysole dont les grands yeux rêvaient.

— Dis-moi ce que tu as fait, reprit Suavita. C’est à peine si jusqu’ici tu m’as glissé quelques paroles en passant. N’est-il pas temps de me mettre au fait ?

— C’est vrai ; tu as le droit de tout savoir, et désormais rien ne peut plus nous faire obstacle. J’ai bien travaillé depuis quelques semaines, mais j’ai été si bien aidée. Écoute… tu ne comprendras peut-être pas tout, ma pauvre petite sœur, car ce sont des choses au-dessus de ton âge. Il y a des gens puissants qui s’intéressent à nous. Sais-tu ce que c’est que conspirer, Suavita ?

— Oui, répondit l’enfant, j’ai vu des conspirations dans l’histoire romaine.

— Catilina ! s’écria Ysole, un jeune homme vaillant et brave qui joue avec des milliers d’existences ! oui, c’est bien cela… Et c’est magnifique, n’est-ce pas ?

— Dans les conspirations, dit Suavita, je