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vante.

— Non, ce serait un jour de perdu. J’ai pris mes mesures, et c’est moi qui serai la gardienne de Suavita jusqu’à votre retour.

— Quel bonheur ! s’écria la fillette en joignant ses pauvres mains pâles.

Il y avait un vague soupçon dans les yeux de Jeannette.

— Vous m’avez dit que votre frère, malade, désirait vous voir, reprit Ysole. Je vous donne vingt-quatre heures, c’est à prendre ou à laisser.

Jeannette murmura un « merci, mademoiselle, » qui sembla lui écorcher la bouche au passage, puis elle porta jusqu’à ses lèvres les deux mains de Suavita et sortit.

Ysole la regarda s’éloigner, puis elle mit un doigt sur sa bouche souriante dont le frais incarnat éclatait comme une fleur.

Elle se pencha vers l’enfant qu’elle serra tendrement dans ses bras en disant :

— Chut ! il fallait la renvoyer. Madeleine, Pierre et Baptiste sont aussi dehors. J’ai eu besoin d’adresse pour faire tout cela moi seule.

L’enfant riait, confiante.

— Tu n’auras pas peur ? continua Ysole.

— Puisque tu me gardes…

Ysole la souleva et lui dit dans un baiser :

— Écoute, c’est aujourd’hui le grand jour. Personne ne doit être dans notre secret. Ce soir, nous allons embrasser notre père.