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à sourire.

— Je suis folle, pensa-t-elle à haute voix. Pourquoi viendrait-il, d’ailleurs ? Il avait à la main une pioche comme les paysans, là-bas, au château. Mais je n’ai pas regardé longtemps, parce que le jeune homme qui demeure auprès de la tour est venu s’accouder à sa croisée. Ses yeux étaient tournés vers moi ; j’ai cru qu’il me voyait. Si tu savais comme il a l’air triste !… Mon père est riche, n’est-ce pas, Jeannette ?

— Il l’était…

— Et il le sera encore. Oh ! tu ne sais pas tout… et moi j’ai promis d’être bien discrète… Je dirai à mon père que ce jeune homme est malheureux… Mais peut-être ne voudrait-il pas d’argent, car il a de beaux yeux si fiers !

Jeannette, qui avait d’abord froncé le sourcil, baissa ses paupières mouillées. Elle se disait :

— Pauvre chère enfant ! sa fièvre vit de rêves.

La porte s’ouvrit brusquement, et Suavita poussa un petit cri de joie.

— Ysole ! dit-elle, ma sœur !

Une jeune fille de seize à dix-sept ans, admirablement belle et gracieuse, venait de franchir le seuil.

Elle traversa la chambre et vint mettre un baiser caressant sur le front de Suavita ranimée.

Puis elle se tourna vers Jeannette qui avait, d’instinct, reculé son siège.

— Vous pouvez partir, ma fille, dit-elle froidement, mais avec bonté.

— Demain matin… commença la ser-